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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 4.djvu/86

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HISTOIRE DE FRANCE

savoir le nom des deux hommes, nommons l’homme du plaisir, le duc d’Orléans, frère du roi ; l’homme de l’orgueil, du brutal et sanguinaire orgueil, Jean-sans-Peur, duc de Bourgogne.

Les deux hommes et les deux partis doivent se choquer dans Paris. Deux partis, deux paroisses ; nous les avons nommées déjà, celle de la cour, celle des bouchers, la folie de Saint-Paul, la brutalité de Saint-Jacques. La scène de l’histoire dit d’avance l’histoire même.


Louis d’Orléans, ce jeune homme qui mourut si jeune, qui fut tant aimé et regretté toujours, qu’avait-il fait pour mériter de tels regrets ? Il fut pleuré des femmes, et c’est tout simple, il était beau, avenant, gracieux[1] ; mais non moins regretté de l’Église, pleuré des saints… C’était pourtant un grand pécheur. Il avait, dans ses emportements de jeunesse, terriblement vexé le peuple ; il fut maudit du peuple, pleuré du peuple… Vivant, il coûta bien des larmes ; mais combien plus, mort !

Si vous eussiez demandé à la France si ce jeune homme était bien digne de tant d’amour, elle eût répondu : Je l’aimais[2]. Ce n’est pas seulement pour le bien qu’on aime ; qui aime, aime tout, les défauts aussi. Celui-ci plut comme il était, mêlé de bien et de

  1. App. 55.
  2. « Si on me presse de dire pourquoy je l’aymois, je sens que cela ne se peut exprimer qu’en respondant : Parceque c’estoit luy, parceque c’estoit moy. » (Montaigne.)