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LE DUC D’ORLÉANS, LE DUC DE BOURGOGNE

mal. La France n’oublia jamais qu’en ses défauts mêmes elle avait vu poindre l’aimable et brillant esprit, l’esprit léger, peu sévère, mais gracieux et doux, de la Renaissance ; tel il se continua dans son fils, Charles d’Orléans, l’exilé, le poète[1], dans son bâtard Dunois, dans son petit-fils le bon et clément Louis XII.

Cet esprit, louez-le, blâmez-le, ce n’est pas celui d’un temps, d’un âge, c’est celui de la France même. Pour la première fois, au sortir du roide et gothique moyen âge, elle se vit ce qu’elle est, mobilité, élégance légère, fantaisie gracieuse. Elle se vit, elle s’adora. Celui-ci fut le dernier enfant, le plus jeune et le plus cher, celui à qui tout est permis, celui qui peut gâter, briser ; la mère gronde, mais elle sourit… Elle aimait cette jolie tête qui tournait celle des femmes ; elle aimait cet esprit hardi qui déconcertait les docteurs : c’était plaisir de voir les vieilles barbes de l’Université au milieu de leurs lourdes harangues, se troubler à ses vives saillies et balbutier[2]. Il n’en était pas moins bon pour les doctes, les clercs et les prêtres, pour les pauvres aumônier et charitable. L’Église était faible pour cet aimable prince ; elle lui passait bien des choses ; il n’y avait pas moyen d’être sévère avec cet enfant gâté de la nature et de la grâce.

De qui Louis tenait-il ces dons qu’il apporta en naissant ? De qui, sinon d’une femme ? De sa charmante

  1. Louis d’Orléans était poète aussi, s’il est vrai qu’il avait célébré dans des vers les secrètes beautés de la duchesse de Bourgogne. (Barante.)
  2. App. 56.