Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/101

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
91
PROCÈS ET MORT DE LA PUCELLE

naître le désaccord singulier qui existait alors entre les idées et les mœurs, il faut, quelque choquant que puisse être le contraste, placer en regard du trop sublime idéal, en face de L'Imitation, en face de la Pucelle, les basses réalités de l’époque ; il faut (j’en demande pardon à la chaste fille qui fait le sujet de ce récit) descendre au fond de ce monde de convoitise et de concupiscence. Si nous ne le connaissions pas tel qu’il fut, nous ne pourrions comprendre comment les chevaliers livrèrent celle qui semblait la chevalerie vivante, comment, sous ce règne de la Vierge, la Vierge apparut pour être méconnue si cruellement.

La religion de ce temps-là, c’est moins la Vierge que la femme ; la chevalerie, c’est celle du petit Jehan de Saintré[1] ; seulement le roman est plus chaste que l’histoire.

Les princes donnent l’exemple. Charles VII reçoit Agnès en présent de la mère de sa femme, de la vieille reine de Sicile ; mère, femme, maîtresse, il les mène avec lui, tout le long de la Loire, en douce intelligence.

Les Anglais, plus sérieux, ne veulent d’amour que dans le mariage ; Glocester épouse Jacqueline ; parmi les dames de Jacqueline, il en remarque une, belle et spirituelle, il l’épouse aussi[2].

Mais la France, mais l’Angleterre, en cela comme en tout, le cèdent de beaucoup à la Flandre[3], au

  1. Voy. le tome IV et Renaissance, Introduction.
  2. 2. Selon quelques-uns, cette dame était déjà sa maîtresse ; quoi qu’il en toit, le fait de la bigamie est incontestable.
  3. 3. J’ai caractérisé déjà cette grasse et molle Flandre. J’ai dit comment.