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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/107

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PROCÈS ET MORT DE LA PUCELLE

Ligny, vassal du duc de Bourgogne, se trouvait justement dans la même situation que son suzerain. Il était comme lui, dans un moment de cupidité, d’extrême tentation. Il appartenait à la glorieuse maison de Luxembourg ; l’honneur d’être parent de l’empereur Henri VII et du roi Jean de Bohême valait bien qu’on le ménageât ; mais Jean de Ligny était pauvre ; il était cadet de cadet[1]. Il avait eu l’industrie de se faire nommer seul héritier par sa tante, la riche dame de Ligny et de Saint-Pol[2]. Cette donation, fort attaquable, allait lui être disputée par son frère aîné. Dans cette attente, Jean était le docile et tremblant serviteur du duc de Bourgogne, des Anglais, de tout le monde. Les Anglais le pressaient de leur livrer la prisonnière, et ils auraient fort bien pu la prendre dans la tour de Beaulieu, en Picardie, où il l’avait déposée. D’autre part, s’il la laissait prendre, il se perdait auprès du duc de Bourgogne, son suzerain, son juge dans l’affaire de la succession, et qui par conséquent pouvait le ruiner d’un seul mot. Provisoirement il l’envoya à son château de Beaurevoir, près Cambrai, sur terre d’Empire.

Les Anglais, exaspérés de haine et d’humiliation, pressaient, menaçaient. Leur rage était telle contre la Pucelle que, pour en avoir dit du bien, une femme fut brûlée vive[3]. Si la Pucelle n’était elle-même jugée et brûlée comme sorcière, si ses victoires n’étaient

  1. Il était le troisième fils de Jean, seigneur de Beaurevoir, qui, lui-même, t-tait fils puîné de Guy, comte de Ligny.
  2. La mort de la tante était imminente ; elle eut lieu en 1431.
  3. «. Elle disoit… que dame Jehanne… estoit bonne. » (Journal du Bourgeois.)