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HISTOIRE DE FRANCE

aucune attention aux droits de sa tante[1], de laquelle pourtant il tenait les siens ; il immola même les droits de ses pupilles, son propre honneur, sa probité de tuteur[2]. Il mit la main sur le Brabant. Pour le garder, pour terminer les affaires de Hollande et de Luxembourg, pour repousser les Liégeois qui venaient assiéger Namur, il fallait rester bien avec les Anglais, c’est-à-dire livrer la Pucelle.

Philippe-le-Bon était un bon homme, selon les idées vulgaires, tendre de cœur, surtout aux femmes, bon fils, bon père, pleurant volontiers. Il pleura les morts d’Azincourt ; mais sa ligue avec les Anglais fit plus de morts qu’Azincourt. Il versa des torrents de larmes sur la mort de son père ; puis, pour le venger, des torrents de sang. Sensibilité, sensualité, ces deux choses vont souvent ensemble. Mais la sensualité, la concupiscence, n’en sont pas moins cruelles dans l’occasion. Que l’objet désiré recule, que la concupiscence le voie fuir et se dérober à ses prises, alors elle tourne à la furie aveugle... Malheur à ce qui fait obstacle!... L’école de Rubens, dans ses bacchanales païennes, mêle volontiers des tigres aux satyres : « Lust hard by hate[3]. »

Celui qui tenait la Pucelle entre ses mains, Jean de

  1. Marguerite de Bourgogne, comtesse de Hainaut, fille de Philippe-le-Hardi et de Marguerite de Flandre, par laquelle l’héritage féminin de Brabant était venu dans la maison de Bourgogne.
  2. La mère de Charles et Jean de Bourgogne (fils du comte de Nevers, tué à Azincourt) s’était remariée à Philippe-le-Bon en 1424, et il partageait avec elle la garde noble de ses deux beaux-fils. App. 41.
  3. Milton.