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HISTOIRE DE FRANCE

On lui ordonna de dire le Pater et l'Ave, peut-être dans l’idée superstitieuse que, si elle était vouée au Diable, elle ne pourrait dire ses prières : « Je les dirai volontiers si monseigneur de Beauvais veut m’ouïr en confession. » Adroite et touchante demande : offrant ainsi sa confiance à son juge, à son ennemi, elle en eût fait son père spirituel et le témoin de son innocence.

Cauchon refusa, mais je croirais aisément qu’il fut ému. Il leva la séance pour ce jour, et le lendemain il n’interrogea pas lui-même ; il en chargea l’un des assesseurs.

À la quatrième séance, elle était animée d’une vivacité singulière. Elle ne cacha point qu’elle avait entendu ses voix : « Elles m’ont éveillée, dit-elle, j’ai joint les mains, et je les ai priées de me donner conseil. Elles m’ont dit : Demande à Notre-Seigneur. — Et qu’ont-elles dit encore ? — Que je vous réponde hardiment. »

«... Je ne puis tout dire, j’ai plutôt peur de dire chose qui leur déplaise que je n’ai de répondre à vous... Pour aujourd’hui, je vous prie de ne pas m’interroger. »

L’èvêque insista, la voyant émue : « Mais, Jehanne, on déplaît donc à Dieu en disant des choses vraies ? — Mes voix m’ont dit certaines choses, non pour vous, mais pour le roi. » Et elle ajouta vivement : « Ah ! s’il les savait, il en serait plus aise à diner... Je voudrais qu’il les sût, et ne pas boire de vin d’ici à Pâques. »

Parmi ces naïvetés, elle disait des choses sublimes :