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PROCÈS ET MORT DE LA PUCELLE

« Je viens de par Dieu, je n’ai que faire ici, renvoyez-moi à Dieu, dont je suis venue... »

« Vous dites que vous êtes mon juge ; avisez bien à ce que vous ferez, car vraiment je suis envoyée de Dieu, vous vous mettez en grand danger. »

Ces paroles sans doute irritèrent les juges et ils lui adressèrent une insidieuse et perfide question, une question telle qu’on ne peut sans crime l’adresser à aucun homme vivant : « Jehanne, croyez-vous être en état de grâce ?»

Ils croyaient l’avoir liée d’un lacs insoluble. Dire « non », c’était s’avouer indigne d’avoir été l’instrument de Dieu. Mais d’autre part, comment dire « Oui ? » Qui de nous, fragiles, est sûr ici-bas d’être vraiment dans la grâce de Dieu ? Nul, sinon l’orgueilleux, le présomptueux, celui justement qui de tous en est le plus loin.

Elle trancha le nœud avec une simplicité héroïque et chrétienne : « Si je n’y suis, Dieu veuille m’y mettre ; si j’y suis, Dieu veuille m’y tenir[1]. »

Les Pharisiens restèrent stupéfaits[2]...

Mais avec tout son héroïsme c’était une femme pourtant... Après cette parole sublime, elle retomba, elle s’attendrit, doutant de son état, comme il est naturel à une âme chrétienne, s’interrogeant et tâchant de se rassurer : « Ah ! si je savais ne pas être en la grâce de Dieu, je serais la plus dolente du monde...

  1. Interrogatoire du 24 février.
  2. App. 52.