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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/139

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PROCÈS ET MORT DE LA PUCELLE

le Pape, aux cardinaux, archevêques, évèques et prélats ? — Oui, sans doute, notre Sire servi. — Vos voix vous défendent de vous soumettre à l’Église militante ? — Elles ne le défendent point, Notre-Seigneur étant servi premièrement. »

Cette fermeté se soutint le samedi. Mais le lendemain, que devint-elle, le dimanche, ce grand dimanche de Pâques ? Que se passa-t-il dans ce pauvre cœur, lorsque la fête universelle éclatant à grand bruit par la ville, les cinq cents cloches de Rouen jetant leurs joyeuses volées dans les airs[1], le monde chrétien ressuscitant avec le Sauveur, elle resta dans sa mort ?

Qu’était-ce en ce temps-là, dans cette unanimité du monde chrétien[2]? Qu’était-ce pour une jeune âme qui n’avait vécu que de foi !... Elle qui, parmi sa vie intérieure de visions et de révélations, n’en avait pas moins obéi docilement aux commandements de l’Église, elle qui jusque-là s’était crue naïvement fille soumise de l’Église, « bonne fille », comme elle disait, pouvait-elle voir sans terreur que l’Église était contre elle ? Seule, quand tous s’unissent en Dieu, seule exceptée de la joie du monde et de l’universelle communion, au jour où la porte du ciel s’ouvre au genre humain, seule en être exclue !...

Et cette exclusion était-elle injuste ?... L'âme chrétienne est trop humble pour prétendre jamais qu’elle

  1. Rapprochez de ceci ce que nous avons dit de l’impression profonde que le son des cloches produisait sur elle, p. 48, note 4.
  2. Unanimité déjà, il est vrai, plus apparente que réelle, comme je l’ai dit et le dirai mieux encore.