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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/152

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HISTOIRE DE FRANCE

favorable tourna justement contre elle, en donnant lieu à une autre imagination superstitieuse. On conclut que c’était cette virginité qui faisait sa force, sa puissance ; la lui ravir, c’était la désarmer, rompre le charme, la faire descendre au niveau des autres femmes.

La pauvre fille, en tel danger, n’avait eu jusque-là de défense que l’habit d’homme. Mais, chose bizarre, personne n’avait jamais voulu comprendre pourquoi elle le gardait. Ses amis, ses ennemis, tous en étaient scandalisés. Dès le commencement, elle avait été obligée de s’en expliquer aux femmes de Poitiers. Lorsqu’elle fut prise et sous la garde des dames de Luxembourg, ces bonnes dames la prièrent de se vêtir comme il convenait à une honnête fille. Les Anglaises surtout, qui ont toujours fait grand bruit de chasteté et de pudeur, devaient trouver un tel travestissement monstrueux et intolérablement indécent. La duchesse de Bedford[1] lui envoya une robe de femme, mais par qui ? par un homme, par un tailleur[2]. Cet homme, hardi et familier, osa bien entreprendre


    homme honnête et sage, « erat in quodam loco secreto ubi videbat Johannain visitari ». (Notices des mss.)

  1. Elle était sœur du duc de Bourgogne, mais elle avait adopté les habitudes anglaises. Le Bourgeois de Paris la montre toujours galopant derrière son mari : « Luy et sa femme qui partout où il alloit, le suivoit. » (An il. 1428). — « Et à cette heure s’en alloient le régent et sa femme par la Porte Saint-Martin, et encontrèrent la procession, dont ils tinrent moult peu de compte ; car ils chevauchoient moult fort, et ceux de la procession ne purent reculer ; si furent moult touillez de la boue que leurs chevaux jettoient par devant et derrière. » (Ibid., ann. 1427.)
  2. Il semblerait que les grandes dames se faisaient habiller par des tailleurs. « Cuidam Joanny Symon, sutori tunicarum... Cum induere vellet, eam accepit dulciter per manum... tradidit unam alapam. » (Notices des mss.)