Aller au contenu

Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/151

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
141
PROCÈS ET MORT DE LA PUCELLE

satanique, pour résumer, anti-chrétienne. Les Indiens de l’Amérique, qui ont souvent tant de pénétration et d’originalité, disaient à leur manière : « Le Christ, c’était un Français que les Anglais crucifièrent à Londres ; Ponce-Pilate était un officier au service de la Grande-Bretagne. »

Jamais les Juifs ne furent si animés contre Jésus que les Anglais contre la Pucelle. Elle les avait, il faut le dire, cruellement blessés à l’endroit le plus sensible dans l’estime naïve et profonde qu’ils ont pour eux-mêmes. À Orléans, l’invincible gendarmerie, les fameux archers, Talbot en tête, avaient montré le dos ; à Jargeau, dans une place et derrière de bonnes murailles, ils s’étaient laissé prendre ; à Patay, ils avaient fui à toutes jambes, fui devant une fille... Voilà qui était dur à penser, voilà ce que ces taciturnes Anglais ruminaient sans cesse en eux-mêmes... Une fille leur avait fait peur, et il n’était pas bien sûr qu’elle ne leur fît peur encore, tout enchaînée qu’elle était... Non pas elle, apparemment, mais le Diable dont elle était l’agent ; ils tâchaient du moins de le croire ainsi et de le faire croire.

À cela, il y avait pourtant une difficulté, c’est qu’on la disait vierge, et qu’il était notoire et parfaitement établi que le Diable ne pouvait faire pacte avec une vierge. La plus sage tête qu’eussent les Anglais, le régent Bedford, résolut d’éclaircir ce point ; la duchesse, sa femme, envoya des matrones qui déclarèrent qu’en effet elle était pucelle[1] Cette déclaration

  1. Faut-il dire que le duc de Bedford, si généralement estimé comme un