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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/161

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PROCÈS ET MORT DE LA PUCELLE

cercle des lances et des épées, elle put être observée de toute la place. Lentement, longuement brûlée sous les yeux d’une foule curieuse, il y avait lieu de croire qu’à la fin elle laisserait surprendre quelque faiblesse, qu’il lui échapperait quelque chose qu’on pût donner pour un désaveu, tout au moins des mots confus qu’on pourrait interpréter, peut-être de basses prières, d’humiliants cris de grâce, comme d’une femme éperdue…

Un chroniqueur, ami des Anglais, les charge ici cruellement. Ils voulaient, si on l’en croit, que, la robe étant brûlée d’abord, la patiente restât nue, « pour oster les doubtes du peuple » ; que le feu étant éloigné, chacun vint la voir. « et tous les secrez qui povent ou doivent estre en une femme » ; et qu’après « cette impudique et féroce exhibition, « le bourrel remist le grand feu sur sa povre charogne[1]… ».

L’effroyable cérémonie commença par un sermon. Maître Nicolas Midy, une des lumières de l’Université de Paris, prêcha sur ce texte édifiant : « Quand un membre de l’Église est malade, toute l’Église est malade. » Cette pauvre Église ne pouvait guérir qu’en se coupant un membre. Il concluait par la formule : « Jehanne, allez en paix, l’Église ne peut plus te défendre. »

Alors le juge d’Église, l’évêque de Beauvais, l’exhorta bénignement à s’occuper de son âme et à se rappeler tous ses méfaits, pour s’exciter à la contrition. Les

  1. Journal du Bourgeois