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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/160

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HISTOIRE DE FRANCE

avaient tant de fois promis salut et délivrance

Quelles furent donc ses pensées, lorsqu’elle vit que vraiment il fallait mourir, lorsque, montée sur la charrette, elle s’en allait à travers une foule tremblante sous la garde de huit cents Anglais armés de lances et d’épées. Elle pleurait et se lamentait, n’accusant toutefois ni son roi ni ses Saintes… Il ne lui échappait qu’un mot : « Rouen, Rouen ! dois-je donc mourir ici ? »

Le terme du triste voyage était le Vieux-Marché, le marché au poisson. Trois échafauds avaient été dressés. Sur l’un était la chaire épiscopale et royale, le trône du cardinal d’Angleterre, parmi les sièges de ses prélats. Sur l’autre devaient figurer les personnages du lugubre drame, le prédicateur, les juges et le bailli, enfin la condamnée. On voyait à part un grand échafaud de plâtre, chargé et surchargé de bois ; on n’avait rien plaint au bûcher, il effrayait par sa hauteur. Ce n’était pas seulement pour rendre l’exécution plus solennelle ; il y avait une intention, c’était afin que, le bûcher étant si haut échafaudé, le bourreau n’y atteignît que par en bas, pour allumer seulement, qu’ainsi il ne pût abréger le supplice[1], ni expédier la patiente, comme il faisait des autres, leur faisant grâce de la flamme. Ici, il ne s’agissait pas de frauder la justice, de donner au feu un corps mort ; on voulait qu’elle fût bien réellement brûlée vive, que, placée au sommet de cette montagne de bois, et dominant le

  1. « De quoi il estoil fort marry et avoit grant compassion… » App. 67.