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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/163

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PROCÈS ET MORT DE LA PUCELLE

A-t-elle dit le mot, c’est chose incertaine ; j’affirme qu’elle l’a pensé.

Cependant les juges, un moment décontenancés, s’étaient remis et raffermis. L’évêque de Beauvais, s’essuyant les yeux, se mit à lire la condamnation. Il remémora à la coupable tous ses crimes, schisme, idolâtrie, invocation de démons, comment elle avait été admise à pénitence, et comment, « séduite par le Prince du mensonge, elle étoit retombée, ô douleur ! comme le chien qui retourne à son vomissement… Donc, nous prononçons que vous êtes un membre pourri, et comme tel, retranché de l’Église. Nous vous livrons à la puissance séculière, la priant toutefois de modérer son jugement, en vous évitant la mort et la mutilation des membres. »

Délaissée ainsi de l’Église, elle se remit en toute confiance à Dieu. Elle demanda la croix. Un Anglais lui passa une croix de bois, qu’il fit d’un bâton ; elle ne la reçut pas moins dévotement, elle la baisa et la mit, cette rude croix, sous ses vêtements et sur sa chair… Mais elle aurait voulu la croix de l’église, pour la tenir devant ses yeux jusqu’à la mort. Le bon huissier Massieu et frère Isambart firent tant, qu’on la lui apporta de la paroisse Saint-Sauveur. Comme elle embrassait cette croix, et qu’Isambart l’encourageait, les Anglais commencèrent à trouver tout cela bien long ; il devait être au moins midi ; les soldats grondaient, les capitaines disaient : Comment ? prêtre, nous ferez-vous dîner ici ?… » Alors, perdant patience et n’attendant pas l’ordre du bailli, qui seul pourtant avait autorité