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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/166

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HISTOIRE DE FRANCE

et juré de la mort, par le dominicain qui monta avec elle sur le bûcher, qu’elle en fit descendre, mais qui d’en bas lui parlait, l’écoutait et lui tenait la croix.

Nous avons encore un autre témoin de cette mort sainte, un témoin bien grave, qui lui-même fut sans doute un saint. Cet homme, dont l’histoire doit conserver le nom, était le moine augustin déjà mentionné, frère Isambart de la Pierre ; dans le procès, il avait failli périr pour avoir conseillé la Pucelle, et néanmoins, quoique si bien désigné à la haine des Anglais, il voulut monter avec elle dans la charrette, lui fit venir la croix de la paroisse, l’assista parmi cette foule furieuse, et sur l’échafaud et au bûcher.

Vingt ans après, les deux vénérables religieux, simples moines, voués à la pauvreté et n’ayant rien à gagner ni à craindre en ce monde, déposent ce qu’on vient de lire : « Nous l’entendions, disent-ils, dans le feu, invoquer ses Saintes, son archange ; elle répétait le nom du Sauveur… Enfin, laissant tomber sa tête, elle poussa un grand cri : « Jésus ! »

« Dix mille hommes pleuraient… » Quelques Anglais seuls riaient ou tâchaient de rire. Un d’eux, des plus furieux, avait juré de mettre un fagot au bûcher ; elle expirait au moment où il le mit, il se trouva mal ; ses camarades le menèrent à une taverne pour le faire boire et reprendre ses esprits ; mais il ne pouvait se remettre : « J’ai vu, disait-il hors de lui-même, j’ai vu de sa bouche, avec le dernier soupir, s’envoler une colombe. » D’autres avaient lu dans les flammes le mot qu’elle répétait : « Jésus ! » Le bourreau alla le soir trouver frère Isam-