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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/165

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PROCÈS ET MORT DE LA PUCELLE

Ce qui prouve bien que jusque-là elle n’avait rien rétracté expressément, c’est que ce malheureux Cauchon fut obligé (sans doute par la haute volonté satanique qui présidait) à venir au pied du bûcher, obligé à affronter de près la face de sa victime, pour essayer d’en tirer quelque parole… Il n’en obtint qu’une, désespérante. Elle lui dit avec douceur ce qu’elle avait déjà dit : Évêque, je meurs par vous… Si vous m’aviez mise aux prisons d’Église, ceci ne fût pas advenu. » On avait espéré sans doute que, se croyant abandonnée de son roi, elle l’accuserait enfin et parlerait contre lui. Elle le défendit encore : « Que j’aie bien fait, que j’aie mal fait, mon roi n’y est pour rien ; ce n’est pas lui qui m’a conseillée. »

Cependant la flamme montait… Au moment où elle toucha, la malheureuse frémit et demanda de l’eau bénite ; de l’eau, c’était apparemment le cri de la frayeur… Mais, se relevant aussitôt, elle ne nomma plus que Dieu, que ses anges et ses Saintes. Elle leur rendit témoignage : « Oui, mes voix étaient de Dieu, mes voix ne m’ont pas trompée !…[1]» Que toute incertitude ait cessé dans les flammes, cela nous doit faire croire qu’elle accepta la mort pour la délivrance promise, qu’elle n’entendit plus le salut au sens judaïque et matériel, comme elle avait fait jusque-là, qu’elle vit clair enfin, et que, sortant des ombres, elle obtint ce qui lui manquait encore de lumière et de sainteté.

Cette grande parole est attestée par le témoin obligé

  1. App. 68.