Aller au contenu

Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
166
HISTOIRE DE FRANCE

d’un roi entre deux dames, Vérité et Mercie. Harangué par la Pureté, il trouva sur son passage les trois fontaines de Générosité, de Grâce et de Mercie, qui, il est vrai, ne coulaient point[1]. Au banquet royal, il fut régalé de ballades orthodoxes, à la gloire d’Henri V et de Sigismond qui punirent Oldlcastle et Jean Huss, et enseignèrent la crainte de Dieu. Pour que rien ne manquât à la réjouissance, on brûla un homme à Smithfield[2].

Il y avait bien des choses, et trop claires, dans la sinistre comédie du couronnement. Qui eût su voir eût déjà vu la guerre civile parmi le cérémonial de religion et de paix. Ces pieux personnages qui siégeaient autour de leur royal pupille en leurs pacifiques robes violettes, ces loyaux barons qui venaient, Glocester en tête, rendre hommage avec leur livery[3], c’étaient deux partis, deux armées qui déjà se mesuraient des yeux. Les uns et les autres apportaient même pensée à l’autel, une pensée homicide. Les moyens seulement devaient différer.

Glocester et les barons, bouffis d’orgueil et de violence, devaient conspirer à grand bruit. À les entendre, sans les prêtres, ils auraient déjà conquis la France. Les évêques avaient tant peur de payer un schelling,

  1. « Il fallait demander discrètement à goûter de l’une des trois vertus, et alors on recevait un verre de vin. » (Turner.)
  2. « In the whiche pastyme… an hereticke was brent… » (Idem.)
  3. Ces couleurs par lesquelles se désignaient les vassaux d’un même lord étaient une occasion fréquente de disputes, un moyen de guerre civile. Voy. Shakespeare sur la livery jaune de Winchester, etc. Mais ce ne fut qu’après l’horrible guerre de la Rose rouge et de la Rose blanche, qu’Henri VII parvint à supprimer les liveries.