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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/199

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DISCORDES DE L’ANGLETERRE. — ÉTAT DE LA FRANCE

horrible que la mort même. C’étaient des offrandes au Diable. Il invoquait les démons Barron, Orient, Belzébut, Satan et Bélial. Il les priait de lui accorder « l’or, la science et la puissance ». Il lui était venu d’Italie un jeune prêtre de Pistoïa, qui promettait de lui faire voir ces démons. Il avait aussi un Anglais qui aidait à les conjurer. La chose était difficile. Un des moyens essayés c’était de chanter l’office de la Toussaint en l’honneur des malins esprits. Mais cette dérision du saint sacrifice ne leur suffisait pas. Il fallait à ces ennemis du Créateur quelque chose de plus impie encore, le contraire de la création, la dérision meurtrière de l’image vivante de Dieu… Retz offrait parfois à son magicien le sang d’un enfant, sa main, ses yeux et son cœur.

Cette religion du Diable avait cela de terrible que peu à peu l’homme étant parvenu à détruire en soi tout ce qu’il avait de l’homme, il changeait de nature et se faisait Diable. Après avoir tué pour son maître, d’abord sans doute avec répugnance, il tuait pour lui-même avec volupté[1]. Il jouissait de la mort, encore plus de la douleur ; d’une chose si cruellement sérieuse, il avait fini par se faire un passe-temps, une farce ; les cris déchirants, le râle, flattaient son oreille, les grimaces de l’agonisant le faisaient pâmer de rire ; aux dernières convulsions, il s’asseyait, l’effroyable vampire, sur la victime palpitante[2].

  1. Et le dit sire prenoit plus de plaisir à leur couper ou voir couper la gorge qu’à… Il leur faisoit couper le col par derrière pour les faire languir. » (Bibl. royale, mss. 493, F.)
  2. Archives de Nantes, déposition de Griart, témoin et complice.