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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/200

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HISTOIRE DE FRANCE

Un prédicateur d’une imagination grande et terrible[1] a dit que dans la damnation le feu était la moindre chose, que le supplice propre au damné, c’était le progrès infini dans le vice et dans le crime, l’âme s’endurcissant, se dépravant toujours, s’enfonçant incessamment dans le mal de minute en minute (en progression géométrique !) pendant une éternité… Le damné dont nous parlions, semble avoir commencé sur cette terre des vivants l’effroyable descente du mal infini.

Ce qui est triste à dire, c’est qu’ayant perdu toute notion du bien, du mal, du jugement, il eut toujours jusqu’au bout bonne opinion de son salut. Le misérable croyait avoir attrapé à la fois le Diable et Dieu. Une niait pas Dieu, il le ménageait, croyant corrompre son juge avec des messes et des processions. Le Diable, il ne s’y fiait qu’à bon escient, faisant toujours ses réserves, lui offrant tout, « hors sa vie et son âme[2] ». Cela le rassurait. Quand on le sépara de son magicien, il lui dit en sanglotant ces étranges paroles : « Adieu, François, mon ami, je prie Dieu qu’il vous donne bonne patience et connaissance, et soyez certain que, pourvu que vous ayez bonne patience et espérance en Dieu, nous nous entreverrons en la grant joie du Paradis [3]. « 

Il fut condamné au feu et mis sur le bûcher, mais non brûlé. Par ménagement pour sa puissante famille et pour la noblesse en général, on l’étrangla avant que

  1. M. Monod fils ; tous ceux qui l’ont entendu en tremblent encore.
  2. Bibl. royale, mss. 493, F.
  3. Archives de Nantes.