Aller au contenu

Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/212

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
202
HISTOIRE DE FRANCE

jeunes gens d’armes et gentilz compaignons, dont le roy fut depuis bien servi[1]. »

Agnès-la-Sorelle ou Surelle (elle prit pour armes un sureau d’or) était fille d’un homme de robe[2], Jean Sureau, mais elle était noble de mère. Elle naquit dans cette bonne Touraine où le paysan même parle encore notre vieux gaulois dans tout son charme, mollement, comme on sait, lentement et avec un semblant de naïveté. La naïveté d’Agnès fut de bonne heure transplantée dans un pays de ruse et de politique, en Lorraine ; elle fut élevée près d’Isabelle de Lorraine, avec laquelle René d’Anjou épousa ce duché. Femme d’un prisonnier, Isabelle vint demander secours au roi, menant ses enfants avec elle, et de plus sa bonne amie d’enfance, la demoiselle Agnès. La belle-mère du roi, Yolande d’Anjou, belle-mère aussi d’Isabelle, était, comme elle, une tête d’homme ; elles avisèrent à lier pour toujours Charles VII aux intérêts de la maison d’Anjou-Lorraine. On lui donna pour maîtresse la douce créature, à la grande satisfaction de la reine, qui voulait à tout prix éloigner La Trémouille et autres favoris.

Charles VII trouva la sagesse aimable dans une telle bouche ; la vieille Yolande parlait vraisemblablement par Agnès, et sans doute elle eut la part principale dans tout ce qui se fit. Plus politique que scrupuleuse, elle avait accueilli également bien les deux filles qui lui vinrent si à propos de Lorraine, Jeanne Darc et

  1. Olivier de La Marche.
  2. Conseiller du comte de Clermont.