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HISTOIRE DE FRANCE

possession de la France ; le maître étranger avait apparu « comme roi des prêtres[1] ».

La France, après avoir tant souffert du fol orgueil des fols, avait appris avec les Anglais à en connaître un autre, l’orgueil des sages. Elle avait enduré les pieux enseignements d’Henri V entre le carnage d’Azincourt et les supplices de Rouen. Mais cela n’était rien encore ; elle vit dans les vrais rois de l’Angleterre, en ses évêques, l’étrange spectacle de la sagesse sans l’esprit de Dieu. Le roi des prêtres mort, elle eut (c’était le progrès naturel), elle eut le prêtre-roi[2], la réalisation d’un terrible idéal, inconnu aux âges antérieurs, la royauté de l’usure dans l’homme d’Église, la violence meurtrière dans le pharisaïsme… un Satan !… mais sous forme nouvelle ; non plus cette vieille figure de Satan honteux et fugitif. Non, Satan autorisé, décent, respectable, Satan riche, gras dans son trône d’évêque, dogmatisant, jugeant et réformant les saints.

Satan étant devenu cette vénérable personne, le rôle opposé restait à Notre-Seigneur. Il fallait qu’il fût amené par les constables devant ce grave chief-justice, comme un misérable échappé de paroisse[3], que dis-je, comme hérétique ou sorcier, comme violemment suspect d’être en relation avec le démon, ou démon lui-même ; il fallait que Notre-Seigneur se laissât condamner et brûler, comme diable, par le Diable… Les

  1. « Princeps presbyterorum. » (Walsingham.)
  2. Voy. sur le cardinal Winchester le tome IV.
  3. Statutes of the Realm.