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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/250

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HISTOIRE DE FRANCE

la torche au poing, par les rues, au milieu des dérisions féroces, la canaille, les apprentis de la Cité aboyant après… Si, comme il faut le croire, les ennemis de la victime ne lui épargnèrent pas les duretés ordinaires de la pénitence publique, elle était en chemise, tête nue, au brouillard de novembre… Elle subit l’horrible promenade par trois jours, par trois quartiers[1]. Et ensuite, comme elle n’était pas morte, on la remit à la garde d’un lord, et on l’envoya pour pleurer toute sa vie au milieu de la mer, dans l’île lointaine de Man.

On serait tenté de croire que cette scène avait été arrangée pour pousser à bout Glocester, lui faire perdre toute mesure, lui faire prendre les armes et rompre la paix de la Cité ; il aurait eu cette fois contre lui les gens de Londres, il eût été tué peut-être, à coup sûr perdu. Au grand étonnement de tout le monde, le duc ne bougea[2]. Ses ennemis en furent pour leur cruelle comédie. Il laissa faire, il abandonna sa femme plutôt que sa popularité, il resta pour le peuple le bon duc. Cette patience d’un homme si fougueux, et dans une si terrible épreuve, donna fort à réfléchir ; pour se contenir ainsi lui-même, il avait selon toute apparence des desseins profonds. Par deux fois il avait essayé de se faire souverain dans les Pays-Bas[3], et il avait

  1. « Tribus diebus… pertransiens cum uno cero in manu… et feria sexta cum cero… et die sabbati… simili modo. » (Wyrcester.)
  2. « Toke all things pacienlly and sayde little. » (Hall and Grafton.)
  3. Récemment encore, à la rupture de 1436, il s’était fait faire par Henri VI, comme roi de France, le don impolitique, insensé, du comté de Flandre. (Rymer, 1436, 30 juil.)