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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/249

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TROUBLES DE L’ANGLETERRE

cela n’avançait pas beaucoup ; la duchesse elle-même, folle de passion et de désir, s’était hasardée la nuit à entrer dans le sanctuaire de la noire abbaye… Qu’y venait-elle faire ? Voulait-elle, de ses ongles, fouiller la royauté au fond des tombes, où déjà, femme vaine, s’asseoir dans le trône sur la fameuse pierre des rois ?

L’occasion était belle pour frapper Glocester, pour perdre sa femme, infamer[1] sa maison. Mais d’aller dans cette forte maison, parmi tant de vassaux armés et de nobles amis, chercher jusqu’à la chambre conjugale, dans les bras de Glocester, celle qu’il avait tant aimée, son épouse qui portait son nom, c’était plus de courage qu’on n’en eut attendu du vieux Winchester et de ses évêques. Ils ne s’y seraient pas hasardés, s’ils n’eussent été soutenus, suivis de la populace qui criait à la sorcière ! Ce mot était terrible ; il suffisait de le prononcer pour que toute une ville fût comme ivre et ne se connût plus… Le peuple en ces moments devenait d’autant plus furieux qu’il avait peur lui-même ; il laissait tout pour faire la guerre au diable ; tant que le feu n’en avait pas fait raison, il croyait sentir sur lui-même la griffe invisible…

La duchesse fut saisie et examinée par le primat, ses gens pendus, brûlés. Pour elle, par une grâce cruelle, elle fut réservée. L’ambitieuse avait rêvé une entrée solennelle, une marche pompeuse dans Londres ; elle l’eut en effet. Elle fut promenée comme pénitente et

  1. Pourquoi l’historien du quinzième siècle n’emploierait-il pas un mot qui revient si souvent dans les chroniques de ce temps ?