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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/281

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TROUBLES DE L’ANGLETERRE

discordes, qu’au moins elle y ferait trêve. Le Parlement vota des subsides, non pour trois ans, comme c’était l’usage, mais « pour la vie du roi ». Il vota une armée presque aussi forte que celle d’Azincourt, vingt mille archers.

Le difficile était de les lever. Il n’y avait partout dans le peuple qu’abattement, découragement, peur des guerres lointaines… une peur orgueilleuse qui se faisait mécontente, indignée ; le cœur avait baissé, non l’orgueil. Il y avait péril à éclaircir ce triste mystère… Le Parlement se rabattit de vingt mille archers à treize mille[1] et on n’en leva pas un.

La main de Dieu pesait sur l’Angleterre. Après avoir tant perdu au dehors, elle semblait au moment de se perdre elle-même. La guerre qu’elle ne faisait plus en France, elle l’avait dans son sein, une guerre sourde jusque-là, sans bataille, sans victoire pour personne ; il n’y avait pas même ce triste espoir que le pays retrouvât l’unité pour le triomphe d’un parti. Somerset était fini et York ne pouvait commencer. La royauté n’était pas abolie, mais elle tombait chaque jour davantage dans la solitude et le délaissement. Le roi, ayant distribué, engagé son domaine et ne recevant rien du Parlement, était le plus pauvre homme du royaume. La nuit des Rois, au banquet de famille, le roi et la reine se mirent à table, et l’on n’eut rien à leur servir[2].

  1. Turner. Parl. Rolls.
  2. « A l’heure du disner, quand ils pensèrent seoir a table, il n’y avoit rien comme de prest, dautant que les officiers qui avoient accoustumé de les servir