Aller au contenu

Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/307

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
297
CHARLES VII. — PHILIPPE-LE-BON

d’avoir la mobilité que nous voyons dans les nôtres, se faisaient une religion de rester fidèles à l’esprit du droit germanique, si peu en rapport avec leur existence industrielle et mercantile. Il ne s’agit donc pas ici, comme on pourrait croire, d’une querelle spéciale entre le comte et une ville ; c’est la grande et profonde lutte de deux droits et de deux esprits.

Les hommes de basse Allemagne, comme d’Allemagne en général, n’avaient jamais eu beaucoup d’estime pour nous autres Welches, pour le droit scribe, paperassier, chicaneur, défiant, du Midi. Le leur était, à les entendre, un droit simple et libre, fondé sur la bonne foi, sur la ferme croyance à la véracité de l’homme. En Flandre, les grandes assemblées judiciaires s’appelaient vérités, franches et pacifiques vérités[1], parce que les hommes libres y siégeaient pour chercher le vrai[2] en commun. Chacun disait, ou devait dire le vrai, même contre soi. Le défendeur pouvait se justifier par sa propre affirmation, jurer son innocence, puis tourner le dos et aller son chemin. Tel était l’idéal de ce droit[3], sinon la pratique.

Le peuple ne pouvant toujours rester assemblé, les jugements se faisaient par quelques-uns du peuple que l’on appelait la loi. La loi se réunissait, pronon-

  1. Generaele waerheden, stille waerheden ; — coies vérités, franches vérités, communes vérités, ou simplement vérités. (Warnkœnig, trad. de Gheldolf.)
  2. Dans le droit allemand, dont le droit flamand est une émanation (au moins dans sa partie la plus originale), le juriste et le poète ont même nom : Finder, trouveur on trouvère. (Grimm, et mes Origines du droit.)
  3. App. 142.