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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/310

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HISTOIRE DE FRANCE

burlesques, les Téniers du droit… D’autres, avec plus de raison, y sentiront la religion du passé, la protestation fidèle de l’esprit local… Ces signes, ces symboles, c’était pour eux la liberté, sensible et tangible ; ils la serraient d’autant plus qu’elle allait leur échapper : Ah ! Freedom is a noble thing[1] !…

Des villages aux villes, des villes à la grande cité, de celle-ci au comte, du comte au roi, à tous les degrés le droit d’appel était contesté ; à tous, il était odieux, parce qu’en éloignant les jugements du tribunal local, il les éloignait aussi de plus en plus des usances du pays, des vieilles et chères superstitions juridiques. Plus le droit montait, plus il prenait un caractère abstrait, général, prosaïque, anti-symbolique ; caractère plus rationnel, quelquefois moins raisonnable, parce que les tribunaux supérieurs daignaient rarement s’informer des circonstances locales, qui, dans ce pays, plus que partout ailleurs, peuvent expliquer les faits et les placer dans leur vrai jour.

La guerre de juridiction avait commencé au moment où finissait la guerre des armées, le conflit après le combat (1385). Philippe-le-Hardi ayant vu, par son inutile victoire de Roosebeke, qu’il était plus aisé de battre la Flandre que de la soumettre, lui jura ses franchises, et se mit en mesure de les violer tout doucement. Il fonda chez lui, du côté français, à Lille, un modeste

  1. « Ah ! la noble chose que la liberté ! » Voir ces beaux vers de Barbour dans M. de Chateaubriand, Essai sur la littérature anglaise. — Comparez les vers de Pétrarque, qui ont été retranchés de plusieurs éditions :

    Libertà, dolce e desiato bone, etc.