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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/364

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HISTOIRE DE FRANCE

de Bourgogne, qui s’efforçait de s’en détacher, de devenir Allemand, Anglais, fut de plus en plus français malgré lui. Vers la fin, lorsque les évêchés impériaux d’Utrecht et de Liège repoussèrent ses évêques, lorsque la Frise appela l’empereur, Philippe-le-Bon céda définitivement à l’influence française. Il tomba sous la domination d’une famille picarde, les Croy, et leur confia, non seulement la part principale au pouvoir, mais ses places frontières, les clefs de sa maison, qu’ils purent à volonté ouvrir au roi de France. Enfin, il reçut, pour ainsi dire, la France elle-même, l’introduisit chez lui, se la mit au cœur et se l’inocula en ce qu’elle avait de plus inquiet, de plus dangereux, de plus possédé du démon de l’esprit moderne.

Cet humble et doux dauphin, nourri chez Philippe-le-Bon des miettes de sa table, était justement l’homme qui pouvait le mieux voir ce qu’il y avait de faible dans le brillant échafaudage de la maison de Bourgogne. Il avait bien le temps d’observer, de songer, dans son humble situation : il attendait patiemment à Genappe, près Bruxelles. Malgré la pension que lui payait son hôte, à grand’peine pouvait-il subsister, avec tant de gens qui l’avaient suivi. Il vivotait de sa dot de Savoie, d’emprunts faits aux marchands ; il tendait la main aux princes, au duc de Bretagne, par exemple, qui refusa sèchement. Avec cela, il lui fallait plaire à ses hôtes ; il lui fallait rire et faire rire, être bon compagnon, jouer aux petits contes, en faire lui-même, payer sa part aux Cent Nouvelles et dérider ainsi son tragique cousin Charolais.