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HISTOIRE DE FRANCE

avec Bedford, au nom de son neveu René d’Anjou, de peur qu’il ne manquât la succession de Lorraine, sauf à se laisser désavouer par René, si les affaires de Charles VII prenaient une autre face[1].

La ruine imminente d’Orléans avait effrayé les villes voisines de la Loire. Les plus proches, Angers, Tours et Bourges, envoyèrent des vivres ; Poitiers et La Rochelle de l’argent ; puis, l’effroi gagnant, le Bourbonnais, l’Auvergne, le Languedoc même, firent passer aux Orléanais du salpêtre, du soufre et de l’acier[2]. Peu à peu la France entière s’intéressait au sort d’une ville. On était touché de cette brave résistance des Orléanais, de leur fidélité à leur seigneur. On avait pitié d’Orléans, du duc d’Orléans aussi. Il ne suffisait donc pas aux Anglais de le retenir prisonnier toute sa vie ; ils voulaient lui prendre son apanage, le ruiner, lui et ses enfants. Ce nouveau malheur renouvelait la mémoire de tant d’autres malheurs de cette maison ; il n’était pas d’homme qui n’eût chanté dans son enfance les complaintes qui couraient alors sur la mort de Louis d’Orléans[3]. Charles d’Orléans, prisonnier, ne pouvait défendre sa ville, mais ses ballades passaient le détroit et priaient pour lui.

Chose touchante et qui honore la nature humaine, au milieu des plus terribles misères, parmi la désolation et la famine, lorsque les loups prenaient possession des campagnes, lorsque, au dire d’un contemporain, il n’y avait plus une maison debout, hors

  1. Archives, Trésor des chartes, J, 582.
  2. App. 16.
  3. App. 17.