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LA PUCELLE D’ORLÉANS

Jeanne Hachette. Au temps de la Pucelle et dans les mêmes années, les femmes de Bohême se battaient comme les hommes, dans les guerres des Hussites[1].

L’originalité de la Pucelle, je le répète, ne fut pas non plus dans ses visions. Qui n’en avait au moyen âge ? Même dans ce prosaïque quinzième siècle, l’excès des souffrances avait singulièrement exalté les esprits. Nous voyons, à Paris, un frère Richard remuer tout le peuple par ses sermons, au point que les Anglais finirent par le chasser de la ville. Le carme breton Conecta était écouté à Courtrai, à Arras, par des masses de quinze ou vingt mille hommes. Dans l’espace de quelques années, avant et après la Pucelle, toutes les provinces ont leurs inspirés. C’est une Pierrette bretonne qui converse avec Jésus-Christ. C’est une Marie d’Avignon, une Catherine de La Rochelle. C’est un petit berger, que Xaintrailles amène de son pays, lequel a des stigmates aux pieds et aux mains, et qui sue du sang aux saints jours[2].

La Lorraine était, ce semble, l’une des dernières provinces où un tel phénomène eût dû se présenter. Les Lorrains sont braves, batailleurs, mais volontiers intrigants et rusés. Si le grand Guise sauva la France, avant de la troubler, ce ne fut pas par des visions. Nous trouvons deux Lorrains au siège d’Orléans, et tous deux y déploient le naturel facétieux de leur

  1. « Et armoient les femmes, ainsi que diables, pleines de toutes cruautés, et en furent trouvées plusieurs mortes et occises aux rencontres. » (Monstrelet.)
  2. App. 19.