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LA PUCELLE D’ORLÉANS

abbayes avaient, comme on sait, dans les temps carlovingiens, des possessions bien plus éloignées, jusqu’en Provence, jusqu’en Allemagne, jusqu’en Angleterre.

Cette ligne de la Meuse est la Marche de Lorraine et de Champagne, tant disputée entre le roi et le duc. Le père de Jeanne, Jacques Darc[1], était un digne Champenois[2]. Jeanne tint sans doute de son père ; elle n’eut point l’âpreté lorraine ; mais bien plutôt la douceur champenoise, la naïveté mêlée de sens et de finesse, comme vous la trouvez dans Joinville.

Quelques siècles plus tôt, Jeanne serait née serve de l’abbaye de Saint-Remy ; un siècle auparavant, serve du sire de Joinville. Il était en effet seigneur de la ville de Vaucouleurs, dont le village de Dom-Remy dépendait. Mais en 1335, le roi obligea les Joinville de lui céder Vaucouleurs[3]. C’était alors le grand passage de la Champagne à la Lorraine, la droite route d’Allemagne, non seulement la route d’Allemagne, mais aussi celle des bords de la Meuse, la croix des routes. C’était encore, pour ainsi dire, la frontière des partis ; il y avait près de Dom-Remy un dernier village du parti bourguignon, tout le reste était pour Charles VII.


    mieux pourquoi l’idée de Reims, l’idée du sacre domina toute sa mission. Elle n’appela Charles VII que dauphin, jusqu’à ce qu’il fût sacré. App. 20.

  1. C’est l’orthographe que suit Jean Hordal, descendant d’un frère de la Pucelle (Hordal, Johannæ Darc Historia, 1612, in-4o.) Dès lors on ne peut guère tirer ce nom du village d’Arc.
  2. De Montier-en-Der.
  3. Charles V l’unit inséparablement à la couronne en 1365. « On voit encore en Champagne, près de Vaucouleurs, de grosses pierres que l’empereur Albert et Philippe-le-Bel firent planter pour servir de bornes à leurs empires. » (Vosgien, chanoine de Vaucouleurs.)