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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/61

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LA PUCELLE D’ORLÉANS

dans la mi-carême… Le royaume n’appartenait pas au dauphin, mais à son Seigneur ; toutefois son Seigneur voulait que le dauphin devînt roi, et qu’il eût ce royaume en dépôt. » Elle ajoutait que, malgré les ennemis du dauphin, il serait fait roi, et qu’elle le mènerait sacrer.

Le capitaine fut bien étonné ; il soupçonna qu’il y avait là quelque diablerie. Il consulta le curé, qui apparemment eut les mêmes doutes. Elle n’avait parlé de ses visions à aucun homme d’Église[1]. Le curé vint donc avec le capitaine dans la maison du charron ; il déploya son étole et adjura Jeanne de s’éloigner, si elle était envoyée du mauvais esprit[2].

Mais le peuple ne doutait point ; il était dans l’admiration. De toutes parts on venait la voir. Un gentilhomme lui dit, pour l’éprouver : « Eh bien ! ma mie, il faut donc que le roi soit chassé et que nous devenions Anglais ? » Elle se plaignit à lui du refus de Baudricourt : « Et cependant, dit-elle, avant qu’il soit la mi-carême, il faut que je sois devers le roi, dussé-je, pour m’y rendre, user mes jambes jusqu’aux genoux. Car personne au monde, ni rois, ni ducs, ni fille du roi d’Écosse, ne peuvent reprendre le royaume de France, et il n’y a pour lui de secours que moi-même, quoique j’aimasse mieux rester à filer près de ma pauvre mère ; car ce n’est pas là mon ouvrage : mais il faut que j’aille, et que je le fasse, parce que mon Seigneur le veut. »

  1. Procès, interrog. du 12 mars.
  2. « Apportaverat stolam… adjuraverat. » (Dépos. de Catherine, femme du charron.)