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HISTOIRE DE FRANCE

des soldats : « Hélas ! dit-elle, tu le renies, et tu es si près de ta mort ! » Il tomba à l’eau un moment après et se noya[1].

Ses ennemis objectaient qu’elle pouvait savoir l’avenir, mais le savoir par inspiration du diable. On assembla quatre ou cinq évêques pour l’examiner. Ceux-ci, qui sans doute ne voulaient pas se compromettre avec les partis qui divisaient la cour, firent renvoyer l’examen à l’Université de Poitiers. Il y avait dans cette grande ville Université, Parlement, une foule de gens habiles.

L’archevêque de Reims, chancelier de France, présidant le conseil du roi, manda des docteurs, des professeurs en théologie, les uns prêtres, les autres moines, et les chargea d’examiner la Pucelle.

Les docteurs introduits et placés dans une salle, la jeune fille alla s’asseoir au bout du banc et répondit à leurs questions. Elle raconta avec une simplicité pleine de grandeur[2] les apparitions et les paroles des anges. Un dominicain lui fit une seule objection, mais elle était grave : « Jehanne, tu dis que Dieu veut délivrer le peuple de France ; si telle est sa volonté, il n’a pas besoin de gens d’armes. » Elle ne se troubla point : « Ah ! mon Dieu, dit-elle, les gens d’armes batailleront, et Dieu donnera la victoire. »

Un autre se montra plus difficile à contenter : c’était un frère Séguin, Limousin, professeur de théologie à l’Université de Poitiers, « bien aigre homme », dit la

  1. Notices.
  2. « Magno modo. » (Déposition de frère Séguin.)