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LA PUCELLE D’ORLÉANS

et fort désirable, assez grande de taille, la voix douce et pénétrante.

Elle se présenta humblement, « comme une pauvre petite bergerette[1], » démêla au premier regard le roi qui s’était mêlé exprès à la foule des seigneurs, et quoiqu’il soutint d’abord qu’il n’était pas le roi, elle lui embrassa les genoux. Mais, comme il n’était pas sacré, elle ne l’appelait que dauphin : « Gentil dauphin, dit-elle, j’ai nom Jehanne-la-Pucelle. Le Roi des cieux vous mande par moi que vous serez sacré et couronné en la ville de Reims, et vous serez lieutenant du Roi des cieux, qui est roi de France. » Le roi la prit alors à part, et après un moment d’entretien tous deux changèrent de visage ; elle lui disait, comme elle l’a raconté depuis à son confesseur : « Je te dis de la part de Messire, que tu es vrai héritier de France et fils du roi[2]. »

Ce qui inspira encore l’étonnement et une sorte de crainte, c’est que la première prédiction qui lui échappa se vérifia à l’heure même. Un homme d’armes qui la vit et la trouva belle, exprima brutalement son mauvais désir, en jurant le nom de Dieu à la manière

  1. « Paupercula bergereta… » (Déposition de Gaucourt, grand maître de la maison du roi.)
  2. Quinzième témoin. (Notices.) Selon un récit moins ancien, mais très vraisemblable, elle lui rappela une chose qu’il savait seul, qu’un matin dans son oratoire il avait demandé à Dieu la grâce de recouvrer son royaume, s’il était l’héritier légitime, sinon celle de ne point périr ni de tomber en captivité ; mais de pouvoir se réfugier en Espagne ou en Écosse. — Il semble résulter des réponses, du reste fort obscures, de la Pucelle à ses juges, que cette cour astucieuse abusa de sa simplicité, et que pour la confirmer dans ses visions on fit jouer devant elle une sorte de Mystère où un ange apportait la couronne. App. 26.