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LA PUCELLE D’ORLÉANS

porté les meilleurs renseignements. Il n’y avait plus de temps à perdre. Orléans criait au secours ; Dunois envoyait coup sur coup. On équipa la Pucelle, on lui forma une sorte de maison. On lui donna d’abord pour écuyer un brave chevalier, d’âge mûr, Jean Daulon, qui était au comte de Dunois et le plus honnête homme qu’il eût parmi ses gens. Elle eut aussi un noble page, deux hérauts d’armes, un maître d’hôtel, deux valets ; son frère, Pierre Darc, vint la trouver et se joignit à ses gens. On lui donna pour confesseur Jean Pasquerel, frère ermite de Saint-Augustin. En général, les moines, surtout les Mendiants, soutenaient cette merveille de l’inspiration.

Ce fut une merveille, en effet, pour les spectateurs, de voir la première fois Jeanne Darc dans son armure blanche et sur son beau cheval noir, au côté une petite hache[1] et l’épée de Sainte-Catherine. Elle avait fait chercher cette épée derrière l’autel de Sainte-Catherine-de-Fierbois, où on la trouva en effet. Elle portait à la main un étendard blanc fleurdelisé, sur lequel était Dieu avec le monde dans ses mains ; à droite et à gauche, deux anges qui tenaient chacun une fleur de

  1. « Et fit la dite Pucelle très-bonne chère à mon frère et à moy, armée de toutes pièces, sauve la teste, et la lance en la main. Et après que nous feusmes descendus à Selles, j’allay à son logis la voir, et fit venir le vin, et me dit qu’elle m’en feroit bien tost boire à Paris, et semble chose toute divine de son fait, et de la voir, et de l’oïr… Et la veis monter à cheval armée toute en blanc, sauf la teste, une petite hache en sa main, sur un grand coursier noir… et lors se tourna vers l’huis de l’église, qui estoit bien prochain, et dist en assez voix de femme : — Vous les prêtres et gens d’église, faites processions et prières à Dieu. Et lors se retourna à son chemin en disant : Tirez avant ! tirez avant ! son estendart ployé, que portoit un gracieux paige, et avoit sa hache petite en la main. » (Lettre de Gui de Laval à ses mère et aïeule.)