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HISTOIRE DE FRANCE

lis. « Je ne veux pas, disait-elle, me servir de mon épée pour tuer personne[1]. » Et elle ajoutait que, quoiqu’elle aimât son épée, elle aimait « quarante fois plus » son étendard. Comparons les deux partis, au moment où elle fut envoyée à Orléans.

Les Anglais s’étaient bien affaiblis dans ce long siège d’hiver. Après la mort de Salisbury, beaucoup d’hommes d’armes qu’il avait engagés se crurent libres, et s’en allèrent. D’autre part, les Bourguignons avaient été rappelés par le duc de Bourgogne. Quand on força la principale bastille des Anglais, dans laquelle s’étaient repliés les défenseurs de quelques autres bastilles, on y trouva cinq cents hommes. Il est probable qu’en tout ils étaient deux ou trois mille. Sur ce petit nombre, tout n’était pas Anglais ; il y avait aussi quelques Français, dans lesquels les Anglais n’avaient pas sans doute grande confiance.

S’ils avaient été réunis, cela eût fait un corps respectable ; mais ils étaient divisés dans une douzaine de bastilles ou boulevards[2], qui, pour la plupart, ne communiquaient pas entre eux. Cette disposition prouve que Talbot et les autres chefs anglais avaient eu jusque-là plus de bravoure et de bonheur que d’intelligence militaire. Il était évident que chacune de ces petites places isolées serait faible contre la grande et grosse ville qu’elles prétendaient garder ; que cette nombreuse population, aguerrie par un long siège, finirait par assiéger les assiégeants.

  1. « Nolebat uti ense suo, nec volebat quemquam interficere. » (Déposition de frère Séguin.)
  2. App. 29.