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HISTOIRE DE FRANCE

avec le peuple et les prêtres qui chantaient des hymnes ; cette procession passa et repassa devant les bastilles anglaises ; l’armée entra protégée par des prêtres et par une fille (4 mai 1429)[1].

Cette fille, qui, au milieu de son enthousiasme et de son inspiration, avait beaucoup de finesse, démêla très bien la froide malveillance des nouveaux-venus. Elle comprit qu’on voudrait agir sans elle, au risque de tout perdre. Dunois lui ayant avoué qu’on craignait l’arrivée d’une nouvelle troupe anglaise, sous les ordres de sir Falstoff : « Bastard, Bastard, lui dit-elle, au nom de Dieu, je te commande que, dès que tu sauras la venue de ce Falstoff, tu me le fasses savoir ; car, s’il passe sans que je le sache, je te ferai couper la tête[2]. »

Elle avait raison de croire qu’on voulait agir sans elle. Comme elle se reposait un moment près de la jeune Charlotte, elle se dresse tout à coup : « Ah ! mon Dieu ! dit-elle, le sang de nos gens coule par terre… c’est mal fait ! pourquoi ne m’a-t-on pas éveillée ? Vite, mes armes, mon cheval ! » Elle fut armée en un moment, et trouvant en bas son jeune page qui jouait : « Ah ! méchant garçon ! lui dit-elle, vous ne me diriez donc pas que le sang de France feust répandu ! » Elle partit au grand galop ; mais déjà elle rencontra des blessés qu’on rapportait. « Jamais, dit-elle, je n’ai veu sang de François que mes cheveux ne levassent[3]. »

  1. Déposition du frère Pasquerel, confesseur de la Pucelle.
  2. Déposition de Daulon, écuyer de la Pucelle.
  3. « Que mes cheveux ne me levassent en sus. » (Déposition du même.)