Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/270

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’Hullin avait déployée ne lui servit plus ici. Étreint du boa énorme que la masse tourbillonnante serrait et resserrait sur lui, il perdit terre, fut poussé, repoussé, lancé sur la pierre. Il se releva par deux fois. À la seconde, il vit dans l’air, au bout d’une pique, la tête de De Launay.

Une autre scène se passait dans la salle Saint-Jean. Les prisonniers étaient là, en grand danger de mort, on s’acharnait surtout contre trois invalides qu’on croyait avoir été les canonniers de la Bastille. L’un était blessé ; le commandant de La Salle, par d’incroyables efforts, en invoquant son titre de commandant, vint à bout de le sauver ; pendant qu’il le menait dehors, les deux autres furent entraînés, accrochés à la lanterne du coin de la Vannerie, en face de l’Hôtel de Ville.

Ce grand mouvement, qui semblait avoir fait oublier Flesselles, fut pourtant ce qui le perdit. Ses implacables accusateurs du Palais-Royal, peu nombreux, mais mécontents de voir la foule occupée de toute autre affaire, se tenaient près du bureau, le menaçaient, le sommaient de les suivre… Il finit par leur céder, soit qu’une si longue attente de la mort lui parût pire que la mort même, soit qu’il espérât échapper dans la préoccupation universelle du grand événement du jour. « Eh bien, Messieurs, dit-il, allons au Palais-Royal. » Il n’était pas au quai qu’un jeune homme lui cassa la tête d’un coup de pistolet.

La masse du peuple accumulé dans la salle ne demandait pas de sang ; il le voyait couler avec