Aller au contenu

Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

La France était perdue, après le Salut public, perdue de force et de cœur, jusqu’à se laisser prendre à celui qui voulut la prendre.

Maintenant, Messieurs les doctes, contre cette croyance universelle, arrivez avec vos systèmes, faites entendre à ce bon peuple que, « la vie et la mort s’échangeant incessamment dans la nature, il est indifférent de vivre ou mourir ; que, l’un mort, d’autres arrivent ; que la terre n’en fleurit que mieux ». Que si cette douce doctrine ne le charmait pas d’abord, dites-lui avec assurance qu’elle revient tout à fait au christianisme ; le salut dont il nous parle, c’était le Salut public ; l’apôtre de la Terreur fut cousin de Jésus-Christ. Puis faites-lui cet apôtre sentimental et pastoral, donnez-lui un habit plus céleste encore qu’il n’en porta à la fête de prairial, vous aurez beaucoup de peine à réconcilier le peuple avec le nom de Robespierre.

Ce peuple a la tête dure. C’est ce que disait Moïse, quand, après avoir tué vingt ou trente mille Israélites, il appelait en vain les autres ; ils faisaient la sourde oreille.

Ou bien voulez-vous que j’emprunte une trop naïve image, que vous trouverez basse peut-être, mais qui n’en est pas plus mauvaise, c’est la fable de La Fontaine ; le cuisinier, son grand couteau au côté, qui amadoue les poulets : « Petits ! petits ! » Il a beau prendre une voix douce ; les petits n’ont garde ; un couteau n’est point un appât.

Mais parlons sérieusement.