Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/20

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les Robespierre, comparaissent modestement. Que dis-je ? Le grand Napoléon fait comme faisait Luther : il met le chapeau à la main…

Et nunc, erudimini, qui judicatis terram ! Soyez jugés, juges du monde !

Haute et souveraine justice, semblable à celle de Dieu, en ce qu’elle ne daigne presque jamais motiver ses jugements. Ils étonnent parfois, scandalisent. Les Scribes et les Pharisiens demanderaient volontiers qu’on interdît un tel juge ; ils ne savent vraiment comment excuser ses contradictions : « Peuple mobile ! disent-ils en haussant les épaules, qui, sans nul principe arrêté, juge et se déjuge. Indulgent pour celui-ci et sévère pour celui-là ! Justice toute capricieuse. Les sages heureusement sont là pour reviser ses jugements. »

Caprice aux yeux de l’ignorance ; pour la science, justice profonde. Lui, il juge, tout est fini ; à vous autres, historiens, philosophes, critiques, ergoteurs, à chercher, trouver, si vous pouvez, le pourquoi. Cherchez ; il est toujours juste. Ce que vous y trouvez d’injuste, faibles et subtils que vous êtes, c’est le défaut de votre esprit.

Ainsi cet étrange juge donne ce scandale à l’auditoire : il excuse Mirabeau, malgré ses vices ; condamne Robespierre, malgré ses vertus.

Grand bruit, force réclamations, dits, contredits, mais oui, mais non… Plusieurs hochent la tête et disent : « Le bonhomme a perdu l’esprit. » Prenez garde, Messieurs, prenez garde, c’est le jugement