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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/22

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les forces immenses, invincibles, de la nation ; elles leur ôtèrent l’espoir, leur firent perdre terre, décidèrent l’émigration, tranchèrent le nœud de l’époque. Les fédérations centrales (Lyon, Rouen, Paris, etc.), qui vinrent les dernières, firent comparaître seulement les représentants de la garde nationale ; à Lyon, cinquante mille hommes représentèrent cinq cent mille hommes. Mais les fédérations locales, celles des petites villes et villages, des hameaux, comprirent tout le monde ; le peuple, pour la première fois, se vit, s’unit d’un même cœur.

Ce fait, imperceptible dans la presse, puis obscurci, défiguré par les faiseurs de systèmes, reparaît ici dans sa grandeur ; il domine, nous l’avons dit, la première moitié de ce volume. Neuf mois de la Révolution sont inexplicables sans lui. Où était-il avant nous ? Dans les sources manuscrites, dans la bouche et le cœur du peuple.

C’est là la première mission de l’histoire : retrouver par les recherches consciencieuses les grands faits de tradition nationale. Celle-ci, dans les faits dominants, est très grave, très certaine, d’une autorité supérieure à toutes les autres. Qu’est-ce qu’un livre ? C’est un homme. Et qu’est-ce qu’un journal ? C’est un homme. Qui pourrait mettre en balance ces voix individuelles, partiales, intéressées, avec la voix de la France ?

La France a droit, si personne peut l’avoir, de juger en dernier ressort ses hommes et ses événements. Pourquoi ? C’est qu’elle n’est pas pour eux