Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/360

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

plus ce qu’on peut faire avec moins. — J’aurais cru que trois ou quatre têtes à panache, roulant aux pieds de la Liberté, suffiraient au dénouement. »

Les Maratistes rugissaient. Mais un bruit se fait à la porte, qui les empêche de répondre, un murmure flatteur, agréable… Une jeune dame entre et veut parler… Comment ! ce n’est pas moins que Mlle Théroigne, la belle amazone de Liège ! Voilà bien sa redingote de soie rouge, son grand sabre du 5 octobre. L’enthousiasme est au comble. « C’est la reine de Saba, s’écrie Desmoulins, qui vient visiter le Salomon des districts. »

Déjà elle a traversé toute l’assemblée d’un pas léger de panthère, elle est montée à la tribune. Sa jolie tête inspirée, lançant des éclairs, apparaît entre les sombres figures apocalyptiques de Danton et de Marat.

« Si vous êtes vraiment des Salomons, dit Théroigne, eh bien, vous le prouverez, vous bâtirez le Temple, le temple de la liberté, le palais de l’Assemblée nationale… Et vous le bâtirez sur la place où fut la Bastille.

« Comment ! tandis que le pouvoir exécutif habite le plus beau palais de l’univers, le pavillon de Flore et les colonnades du Louvre, le pouvoir législatif est encore campé sous les tentes, au Jeu de paume, aux Menus, au Manège, comme la colombe de Noé, qui n’a point où poser le pied ?

« Cela ne peut rester ainsi. Il faut que les peuples, en regardant les édifices qu’habiteront les