Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/362

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de plus étrangement belles sur l’unité future du monde. Son accent, sa lenteur allemande, la sérénité souriante, la béatitude d’un fol de génie qui se moque un peu de lui-même, mêlaient l’amusement à l’enthousiasme.

« Et pourquoi donc la nature aurait-elle placé Paris à distance égale du pôle et de l’équateur, sinon pour être le berceau, le chef-lieu de la confédération générale des hommes ? Ici s’assembleront les États gênéraux du monde… Cela n’est pas si loin qu’on croit, j’ose le prédire ; que la Tour de Londres s’écroule, comme celle de Paris, et c’en est fait des tyrans. L’oriflamme des Français ne peut flotter sur Londres et Paris sans faire le tour du globe… Alors il n’y aura plus ni provinces, ni armées, ni vaincus, ni vainqueurs… On ira de Paris à Pékin comme de Bordeaux à Strasbourg ; l’Océan, ponté de navires, unira ses rivages. L’Orient et l’Occident s’embrasseront au champ de la Fédération. Rome fut la métropole du monde par la guerre, Paris le sera par la paix… Oui, plus je réfléchis, plus je conçois la possibilité d’une nation unique, la facilité qu’aura l’assemblée universelle, séant à Paris, pour mener le char du genre humain. Émules de Vitruve, écoutez l’oracle de la raison : si le civisme échauffe votre génie, vous saurez bien nous faire un temple pour contenir tous les représentants du monde. Il n’en faut guère plus de dix mille. »

« Les hommes seront ce qu’ils doivent être, quand chacun pourra dire : « Le monde est ma patrie, le