Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/370

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de ne pas dire ; le matin, lisant son journal, ses amis y voyaient parfois des mots cruellement vrais. Ici, c’était à l’occasion de la motion pour le renvoi des ministres. Desmoulins se moque de l’Assemblée, « qui garde toujours la harangue de M. Barnave pour le bouquet, puis ferme la discussion… Cette fois pourtant, ce n’était pas le cas, comme on dit, de tirer l’échelle… » L’espiègle, dans le même article, dit un mot original et juste, qui frappe non seulement Barnave, mais presque tous les parleurs, tous les écrivains du temps : « En général, les discours des patriotes ressemblaient trop aux cheveux de 1789, plats et sans poudre. Où donc étais-tu, Mirabeau ?… » Puis il demande pourquoi les Lameth ont crié : « Aux voix ! » quand Pétion et Rewbell voulaient parler, « quand l’Hercule Mirabeau, avec sa massue, allait écraser les pygmées », etc.

Un coup plus grave fut porté quelques jours après à Barnave, dont il ne s’est point relevé. Le journaliste Brissot, un doctrinaire républicain, dont je parlerai bientôt tout au long, lui lança, au sujet des hommes de couleur, dont Barnave annulait les droits, une longue et terrible lettre où il mit l’avocat à jour, suffisant, brillant et vide, plein de phrases et sans idées. Brissot, écrivain trop facile ordinairement, mais ici fort de raison, trace avec sévérité le portrait du vrai patriote, et ce portrait se trouve être l’envers de celui de Barnave. « Le patriote n’est ni intrigant ni jaloux, il ne cherche point la popularité pour se faire craindre de la cour et devenir nécessaire. Le