la probabilité d’une invasion russe en Pologne, peut-être la nécessité de s’enrichir encore par un troisième partage que la Russie imposerait. Celle-ci était alors acharnée sur une autre proie, la Turquie. Les conférences de la Prusse et de l’Autriche avaient pour but principal de bien faire entendre à la Russie que, tant qu’elle n’aurait pas lâché les Turcs, les puissances allemandes resteraient immobiles sous les armes à la regarder, et ne s’en iraient pas courir les aventures à la croisade de France.
Donc, pour le moment, Léopold ne pouvait être que pacifique à notre égard. Malgré la Russie, la Suède et la Prusse, qui auraient voulu l’embarrasser dans les affaires d’Occident, il ne bougeait point. Ses généraux, fort instruits, lui disaient d’ailleurs que ce n’était point une petite affaire de s’engager dans un tel royaume, dans ces masses profondes d’une population innombrable, exaltée par le fanatisme de la liberté. À quoi Léopold ajoutait un sentiment personnel : il craignait pour la vie du roi et de la reine ; à la première nouvelle de l’invasion autrichienne, sa sœur risquait de périr.
Sauver la reine était l’idée qu’on devait naturellement supposer à son frère Léopold. Et c’était bien aussi l’idée de Barnave, celle des constitutionnels, de sauver la reine et la royauté. Sans avoir encore négocié avec l’empereur, ils se sentaient réunis avec lui dans cet intérêt commun. Ils ne désespéraient pas, malgré l’attitude menaçante de la Diète germanique, qui ordonnait l’armement, d’éviter la guerre