Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/198

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européenne ; heureuse ou non, la guerre eût été leur ruine, le triomphe de leurs ennemis.

Pour traiter avec l’Empereur, il fallait avant tout être maître ici, écraser la puissance des clubs ou bien se l’approprier et s’en rendre maître. Les constitutionnels avaient préféré le second moyen, ils avaient cru le trouver dans la création des Feuillants. Mais voilà que les Feuillants leur manquaient, leur échappaient. Perdant cette force qui leur était propre, il leur restait de demander la force à leurs ennemis, à ceux qu’ils avaient persécutés et détruits, je veux dire aux royalistes. Ceux-ci voudraient-ils pardonner ? Auraient-ils bien l’intelligence de saisir cette dernière planche jetée sur l’abîme où les constitutionnels voulaient les sauver avec eux ? Cela était fort douteux. Il était bien plus probable qu’obstinés dans leurs rancunes et désirant moins encore être sauvés que vengés, ils rejetteraient du pied cette planche de sauvetage, et que tous, constitutionnels et royalistes, s’en iraient ensemble au gouffre profond.

Tel était le moment de crise où Barnave, où le parti constitutionnel, triomphant en apparence depuis l’affaire du Champ de Mars, s’adressa à l’homme qu’il avait toujours repoussé, raillé, à l’homme invariablement hué de la gauche et des tribunes, au royaliste Malouet. C’était le fort qui semblait demander la force au faible, le vainqueur agonisant qui tendait la main au vaincu et criait merci.

Malouet ne ferma nullement l’oreille aux propo-