geant aisément de rythme, répondit toujours à merveille aux émotions de nos pères. Fraternel en 1790, il avait remué le Champ de Mars, bâti l’autel de la Patrie. En 1791, il tint compagnie aux jeunes volontaires qui, allant demander des armes, le chantaient pour s’encourager dans les mauvaises routes d’hiver. Si le sifflement des vents, le bruissement des clubs, ne vous empêchent d’entendre, vous distinguerez ces premières notes, basses et fortes, du chant héroïque. Il est déjà rapide, ce chant, tout gaillard et tout guerrier ; 1792 y va joindre l’élan pressé de la colère. Tout à l’heure il éclatera avec le fracas des tempêtes.
Le monde commençait à l’entendre, depuis la fuite de Varennes, comme un vaste et profond murmure. L’Assemblée y fermait l’oreille. Les meneurs mêmes de la presse et des clubs n’en avaient pas l’intelligence ; plongés dans ce bruit général, prolongé, sourd et monotone, ils ne l’entendaient pas, justement parce qu’ils l’entendaient toujours. Ils ne devinaient nullement la grande chose, fatale, invincible, qui était au fond de ce bruit : l’ébranlement du grand océan révolutionnaire qui allait franchir son rivage.
Chose étrange et ridicule ! ils disputaient avec l’océan ! ils trouvaient de petites raisons à lui objecter. Ils se disaient gravement : « L’arrêterons-nous ? Ne l’arrêterons-nous pas ?… » Ils pouvaient le retarder un moment peut-être, mais, en accumulant les vagues, ils accumulaient les périls.