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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/348

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« Tant qu’on n’aura pas répondu, continua Isnard, je dirai que nous voilà placés entre le devoir et la trahison, entre le courage et la lâcheté, entre l’estime et le mépris… Nous reconnaissons bien tous qu’ils sont coupables ; si nous ne les punissons pas, est-ce donc parce qu’ils sont princes ?… Il est temps que le grand niveau de l’égalité passe enfin sur la France libre… C’est la longue impunité des grands criminels qui rend le peuple bourreau. Oui, la colère du peuple, comme celle de Dieu, n’est trop souvent que le supplément terrible du silence des lois… Si nous voulons être libres, il faut que la loi seule gouverne, que sa voix foudroyante retentisse également au palais, à la chaumière, qu’elle ne distingue ni rangs, ni titres, inexorable comme la mort quand elle tombe sur sa proie… »

Un frisson passa sur la foule, et, après un court silence, s’éleva un applaudissement terrible. Une sombre ivresse de colère remplit l’Assemblée, les tribunes. Par un mouvement machinal, tous suivaient ce brûlant parleur, cette sauvage parole africaine ; tous étaient devenus le même homme, emportés de son tourbillon et ne touchant plus la terre.

Il ajouta alors, avec une violence extraordinaire de voix et de gestes : « On vous a dit que l’indulgence est le devoir de la force, que certaines puissances désarment… Et moi, je dis qu’il faut veiller, que le despotisme et l’aristocratie n’ont ni mort ni sommeil, que, si les nations s’endorment un ins-