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délicatesse, dans toute la nation, pour réparer, par l’accueil le plus touchant, ce grand tort national. Les gardes nationaux de Brest firent tout exprès, à pied, le voyage de Paris pour accompagner les victimes ; en leur ôtant la casaque de galériens, ils leur donnèrent leurs propres habits, en sorte que, sur la route, ils avaient l’air tous ensemble d’être également des Bretons. On allait au-devant d’eux, des villes et villages ; les hommes leur donnaient des poignées de main, les femmes les bénissaient, les enfants touchaient leurs habits. Partout on leur demandait pardon, au nom de la France.

Ce fait national est sacré. Il doit rester indépendant de la violente polémique qui éclata à ce sujet, de la fureur éloquente des Feuillants, des philippiques d’André Chénier, Roucher et Dupont (de Nemours), — d’autre part, des déclamations de Collot pour les soldats de Châteauvieux, de l’empressement de Tallien et autres intrigants à s’emparer de l’événement, à tourner le bon cœur du peuple au profit de l’esprit de parti.

Les Feuillants envisageaient le triomphe populaire des soldats de Châteauvieux comme une insulte aux gardes nationaux tués en combattant contre eux dans la triste affaire de Nancy. Il n’y avait pas d’opposition entre les uns et les autres. Ils avaient tous combattu pour l’ordre ou la liberté. Le régiment de Châteauvieux, pillé par des officiers qui ne daignaient rendre compte, avait invoqué les lois de la France ; il avait raison. Les gardes nationaux, sommés légale-