Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/504

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Elle s’en émouvait lentement, jugeant apparemment que la leçon avait besoin d’être forte pour produire impression. Cependant le refus du roi pouvait lasser à la longue, exaspérer quelques furieux, amener une scène tragique. Les premiers qui le sentirent, et dont le cœur fut ému, furent les deux grands orateurs de l’Assemblée, Vergniaud et Isnard. Sans attendre pour savoir quelles mesures seraient votées, ils coururent d’eux-mêmes au château et percèrent la foule à grand’peine. Isnard se fit élever sur les épaules de deux gardes nationaux et dit à la foule que si elle obtenait sur-le-champ ce qu’elle demandait, on le croirait arraché par la violence, qu’elle aurait satisfaction, qu’il en répondait sur sa tête. Mais ni Isnard ni Vergniaud ne firent la moindre impression. Les cris recommençaient toujours : « À bas le veto ! Rappelez les ministres ! » Les deux orateurs restèrent du moins, se firent les gardes du roi, le couvrirent de leur popularité et, au besoin, de leur corps.

La foule cependant avait pénétré dans les appartements, observant curieusement ces lieux, si nouveaux pour elle, épiloguant parfois en paroles grossières plus qu’hostiles ou violentes. À la chambre du lit, par exemple, ils disaient tous : « Le gros Veto a un bon lit, meilleur, ma foi, que le nôtre. »

La reine était restée dans la chambre du conseil, réfugiée dans l’embrasure d’une fenêtre, protégée par une table massive qu’on avait roulée devant elle. Le ministre de la guerre, Lajard, avait réuni dans la salle une vingtaine de grenadiers. Elle avait près