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d’elle sa fille et Mme de Lamballe avec quelques autres dames ; devant elle, assis sur la table, le petit dauphin. C’était la meilleure défense contre la foule qui passait. Presque tous éprouvaient un respect inattendu, plusieurs même un subit changement de cœur, en présence de cette mère, de cette reine, vraiment hère et digne. Parmi les femmes les plus violentes, une fille s’arrête un moment et vomit mille imprécations. La reine, sans s’étonner, lui demande si elle lui a fait quelque tort personnel : « Aucun, dit-elle, mais c’est vous qui perdez la nation. — On vous a trompée, dit la reine. J’ai épousé le roi de France, je suis la mère du dauphin, je suis Française, je ne reverrai jamais mon pays. Je ne puis être heureuse ou malheureuse qu’en France ; j’étais heureuse quand vous m’aimiez. » — Voilà la fille qui pleure : « Ah ! Madame, pardonnez-moi, je ne vous connaissais pas, je vois que vous êtes bonne. »

On avait affublé le pauvre petit dauphin d’un énorme bonnet rouge qui l’accablait de chaleur. Santerre lui-même, en passant, fut touché et le lui ôta : « Ne voyez-vous pas, dit-il, que l’enfant étouffe sous ce bonnet ? »

Enfin arriva Pétion. Il était six heures. « Sire, dit-il, je viens d’apprendre à l’instant… — Cela est bien étonnant, dit le roi, il y a deux heures que cela dure. » — En réalité, on ne pouvait accuser le maire du retard. Il est constaté authentiquement qu’il n’était guère averti que depuis une heure, qu’à l’instant même il était monté en voiture avec Sergent et autres muni-