Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/521

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des royalistes. Ils se défiaient plus que jamais du roi, ils se fiaient de moins en moins au bon sens de La Fayette. Le projet que celui-ci avoue justifie bien cette défiance. Il aurait mené le roi à Compiègne, et là, le roi, mieux entouré, devenu tout à coup ami de la Révolution, en aurait pris l’avant-garde, eût au besoin commandé l’armée, marché à l’ennemi. — Supposition étrange ! l’ennemi, dans la pensée de la cour, c’était justement le sauveur. La reine eût mené le roi à la frontière, mais bien pour la franchir et le placer dans les rangs autrichiens.

L’indécision des Feuillants, leur répugnance à suivre La Fayette dans ces voies insensées montre qu’il leur restait plus de raison et de patriotisme qu’on ne le supposait. Nous allons tout à l’heure les voir à l’Assemblée applaudir le discours redoutable où Vergniaud foudroya le trône, au nom de la France en danger.

Ce danger était trop visible, au dehors, au dedans. L’accord de tous les rois apparaissait contre la Révolution. À Ratisbonne, le conseil des ambassadeurs refusa unanimement d’admettre le ministre de France. L’Angleterre, notre amie, préparait un grand armement. Les princes de l’Empire, qui jusque-là se disaient neutres, recevaient l’ennemi dans leurs places et s’approchaient de nos frontières. Le duc de Bade avait mis les Autrichiens dans Kehl. On parlait d’un complot pour leur livrer Strasbourg. L’Alsace criait pour obtenir des armes ; on n’en envoyait point. Les officiers abandonnaient cette